La deuxième journée de la mission économique en Norvège s'est concentrée sur l'exploration des pratiques locales en matière de réemploi et de construction circulaire, avec un accent particulier sur le stockage des matériaux et la récupération du bois. Cette visite s'inscrit dans la continuité de la première journée, qui avait déjà mis en lumière les avancées d'Oslo dans ce domaine, comme détaillé dans le carnet de voyage précédent.
Pour ce deuxième jour de la mission, nous avons la chance de visiter le site d'Ombygg, un fournisseur de matériaux de réemploi comme il en existe de plus en plus en Belgique, afin d’observer les pratiques locales.
En périphérie de la ville, nous entrons dans un vaste hangar en compagnie de deux responsables de Composil, une entreprise belge spécialisée dans la récupération et la rénovation de dalles de moquette. Nous y sommes accueillis par Emil Rygh, le manager général d'Ombygg.
Ombygg fait partie de l’alliance stratégique Sirkulær Ressurssentral, qui soutient les acteurs de l'économie circulaire dans le domaine de la construction.
Stockage des matériaux de construction à Oslo
Cette visite est l’occasion d’aborder une thématique cruciale pour les acteurs du réemploi, le stockage des matériaux. Comment trouver des espaces adéquats et pérennes pour stocker les matériaux ? Quel impact le coût de ce stockage a-t-il sur le prix de revente des matériaux ? Quels sont les similitudes et les différences avec le secteur en Belgique ?
Ombygg bénéficie de locaux mis à disposition par les collectivités locales d'Oslo, ce qui lui permet de réduire les prix, démocratisant ainsi l'accès à ses services. Les autorités locales soutiennent activement l'entreprise et font régulièrement appel à elle lors de la déconstruction d’immeubles publics.
Concernant les espaces de stockage, nous observons une pratique qui pourrait être transposée en Belgique : Ombygg met à disposition des espaces locatifs pour les entrepreneurs en déconstruction, membres de son réseau, afin qu'ils puissent y stocker leurs propres matériaux ou du mobilier destiné au réemploi. Cette initiative pourrait permettre de fluidifier les flux de matériaux et d’imaginer de nouvelles façons de gérer collectivement les matériaux issus de dynamiques circulaires.
Nous discutons ensuite de la sélection des matériaux à stocker. Comme en Belgique, ce choix s'affine grâce à l'expérience accumulée, permettant ainsi de déterminer quels types de matériaux sont les plus demandés sur le marché et ne risquent pas de stagner en stock. Ombygg a notamment mis en avant le mobilier de bureau, qui, en raison de son renouvellement fréquent, connaît un bon succès sur leur marché.
La conversation a également permis d’identifier les améliorations concernant le traitement des éléments de chaines de valeur spécifiques, comme les châssis de fenêtres à simple vitrage. Bien que ces châssis soient soigneusement démontés et stockés par les ouvriers sur les chantiers, ils finissent souvent en décharge faute de cadre adéquat pour les récupérer. Cet exemple illustre les défis qui subsistent malgré le soutien des pouvoirs publics.
Les obligations spécifiques au réemploi en Norvège
Les activités de Ombygg s’inscrivent dans un cadre légal spécifique. En effet, depuis le 1er juillet 2023, une cartographie de réutilisation est obligatoire pour la plupart des projets de réhabilitation et de démolition de plus de 100 m², ou lorsque les déchets de démolition dépassent 10 tonnes. Ce rapport de cartographie doit notamment inclure :
- La présence, la quantité et le type de matériaux ou de fractions de construction susceptibles d'être réutilisés, ainsi qu'une évaluation de leur durée de vie restante.
- La documentation originale du produit de construction, si elle est disponible.
- Tous les matériaux ou fractions de construction identifiés comme réutilisables, compilés dans un tableau conforme à une norme norvégienne.
En Norvège, la mise en œuvre des matériaux issus du réemploi dans la construction d’un bâtiment ne fait pas l’objet d’obligation car actuellement, la différence des coûts de mise en œuvre de ce type de matériaux comparé à ceux des matériaux neufs est encore trop important.
Récupération de bois
La deuxième moitié de la journée fut d’abord consacrée à la rencontre de la responsable R&D de OMTRE, Wendy Wuyts. OMTRE est la filière de développement de SirkTRE, une plateforme qui organise la récupération des déchets de bois pour les transformer en ressources réutilisables, notamment le bois de charpente, historiquement très présent dans les constructions norvégiennes.
Image générée artificiellement à l'aide d'Ideogram.ai illustrant des travailleurs utilisant du bois de réemploi.
La récupération de bois inutilisé rappelle l’entreprise belge Robinwood, spécialisée dans le bois de robinier exploité de manière circulaire.
Leur ambition est de récupérer plus de 250 000 m³ de bois d'ici fin 2024 et de réduire les émissions de CO2 de la Norvège de 8 % à long terme. Cette plateforme réunit de nombreux acteurs du monde professionnel et académique, ce qui permet d’améliorer la récupération du bois grâce à des protocoles développés par la recherche et testés sur le terrain.
Sur base de leurs pratiques et des discussions, Wendy constate qu’un des enjeux du développement de l’économie circulaire dans la construction est qu’une synergie forte entre tous les acteurs de la chaîne de valeur doit exister. Autre constat important, les aspects liés au développement de la logistique sont prioritaires afin de généraliser les pratiques circulaires. Pour cela, il ne faut pas hésiter à s’inspirer des bonnes pratiques issues du secteur de l’industrie (automobile, alimentaire, etc.).
SirkTRE a récemment publié une brochure intitulée SirkMagazine, qui présente le contexte actuel et les dernières avancées.
Rencontre avec des architectes norvégiens
La dernière réunion de la journée est consacrée à la rencontre des architectes du bureau Reiulf Ramstad, basé en Norvège et au Danemark. Ce cabinet connaît bien la Belgique, ayant déjà réalisé un projet de logement à Deinze. Cette rencontre a été l'occasion de prendre le pouls de la profession en Europe du Nord et d’échanger sur les pratiques actuelles.
Breitenbach Landscape Hotel 48°Nord, France. (Illustrations by Florent Michel @11h45)
À travers une présentation de leur portfolio, nous avons pu comprendre leur philosophie, en particulier leur capacité à collaborer avec les pouvoirs publics pour faire émerger des projets de qualité, bénéfiques aux localités dans lesquelles ils sont implantés.
Clôture princière
Cette journée extrêmement enrichissante s'est conclue par la réception officielle belge et le discours de la princesse Astrid qui aura mis en valeur les liens de collaboration et le les opportunités de développement entre la Norvège et la Belgique.
Le rendez-vous est donné pour le lendemain où nous assisterons ce voyage de la meilleure des manières qui soit.